Nous étions comme les enfants que nous rêvions d'être alors, avec des âmes semblant simples et limpides, alors qu'en nous gisait une mer violente, trouble et tumultueuse, une mer chaque fois blessée par les colères du vent.

Je ne me suis jamais sentie simple. Seulement, j'ai toujours souhaité l'être, au tréfonds de mon coeur, dans les abysses de mon âme. Et j'avais si mal, à l'époque. La beauté du monde parfois m'explosait à la figure et accentuait cette douleur qui gisait, là, présente et refoulée, dans mon lac d'étrangeté. J'étais comme le nénuphar qui naît dans la vase et craint d'en sortir pour se dévoiler à la face du monde, parce que l'état d'ombre et de difficulté est le seul qu'il connaisse, le seul dont il soit sûr. Eu moins, là, il sait à quoi s'attendre, même dans la solitude; alors qu'en haut, il n'est pas en mesure d'écrire le scénario, le film de son existence.

Avec la plupart de mes amis, nous n'avons jamais vraiment figuré au premier. Nous ne savons ni jouer, ni comment obtenir les miettes d'un premier rôle. Pourtant, pour la plupart, il y a trois ans, lorsque nous commençions à mettre un pied dans le vide effrayant qu'est l'adolescence et avons renié sans vergogne l'enfance, ils ont réussi à se faire une place, à gagner une reconnaissance. Ils sont parvenus à être de petits acteurs de seconde zone dans ce vaste théâtre géant qu'est l'existence.

Mais moi...

Je n'y suis jamais parvenue. Probablement parce que j'ai peur, et que, bien que je l'excècre, le rôle de narratrice me convient parfaitement.

Après, ne suis-je pas bonne qu'à cela, raconter, écrire? Je suis la Mémoire, les bouts d'émotion, les papiers échangés en cours d'anglais, les nuits sans sommeil  passées à rêver à un autre univers, je les ai colectionnés avec une fiévreuse ferveur, les ai assemblés, dégustés, revisités.

Et bien que je ne puisse être l'auteur de ce roman sans bonne étoile, sans péripéties, je tiens à le coucher à le papier.

Car cette histoire, c'est la mienne, la nôtre.